PHILOSOPHIE CHINOISE

La diversité, la dualité,

le Yin et le Yang et le libre arbitre

Sur la différence et la tolérance

Cette année, j’ai participé à la 9e rencontre internationale du folklore à Prague, avec le groupe folklorique dont je fais partie, où ont pris part 72 groupes différents provenant de 20 nationalités. Quelle belle diversité de costumes, musiques, danses, cultures et personnes. C’était très beau à voir et à vivre.

Ce qui était extraordinaire, c’est que tous les groupes, mêmes que nous ne nous connaissions pas, partageaient la même passion : celle du folklore. Nous pouvions rigoler, danser, nous amuser ensemble malgré les différences, et passer ainsi des moments appréciables et très enrichissants en découvrant d’autres cultures et coutumes.

Cette diversité apporta beaucoup de couleur à la fête, et c’est là que j’ai pu prendre conscience de l’importance qu’a la pluralité. Je me suis rendu compte que finalement, la différence était quelque chose d’utile.

Et pourtant, on constate souvent que les gens réagissent de manière rigide face à la nouveauté ou face à l’inconnu. Il y a un certain scepticisme qui se met en place et qui bloque la curiosité, l’envie de découvrir. Du coup, tout se fige, alors que dans la fête, tout était ouvert, lumineux, rayonnant, chaleureux et joyeux.

Que cela nous montre-t-il ? Que souvent, dans la vie en général, les personnes ont un manque d’ouverture d’esprit, un manque de tolérance, une peur du changement et de l’inconnu, ou bien elles sont dans le jugement, au lieu d’apprécier tout simplement la situation, et être indulgents.

Objectivement, la différence ne veut pas dire que ce que nous connaissons est mieux, le reste est moins bien. La différence ne veut pas dire non plus que nous, avec notre regard, notre connaissance, notre compréhension, avons raison, alors que les autres, qui pensent différemment, qui ont un autre regard, une autre compréhension, ont tort. La différence veut dire «autrement», c’est-à-dire différemment que ce que nous avons l’habitude de voir, ou de comprendre. Cela ne veut donc pas dire «moins bien» ! À réfléchir :-)

La multitude de facettes que nous donne la différence crée une existence colorée. Elle nous montre qu’il faut être prudents avec les jugements, qu’il faut être tolérants et ouverts à la découverte de nouvelles choses, car c’est cette diversité qui nous enrichit et nous permet de nous faire comprendre qui nous sommes et comment nous fonctionnons.

Sur le Yin et le Yang

La diversité est une manière d’accéder à la connaissance.

Pourquoi faut-il de la diversité pour accéder à la connaissance ?

Dans l’ancienne chine, il y a environ 3700 ans, de grands sages se sont déjà posés cette question. Ne pourrait-il pas exister qu’une seule et simple chose ?

Si nous n’étions pas dans un monde de diversité, nous aurions par exemple tout le temps la même température ambiante, que nous soyons au sud, au nord, en Arctique ou en Afrique. Il n’y aurait pas de chaud, ni de froid, mais que du tiède. Nous ne saurions alors pas ce qu’est le chaud, ni le froid. De même, nous n’aurions pas le jour et la nuit, mais que le jour, ou que la nuit. Ce serait un monde bizarre, n’est-ce pas ?

Et pourtant, l’observation de ce monde nous montre qu’il y a beaucoup de diversité. Mais, en simplifiant fortement, elle peut être réduite à deux contraires. Ainsi, on obtiendrait par exemple le grand qui est différent du petit, le chaud qui est différent du froid, le jour qui est différent de la nuit, etc.

Les grands sages chinois se sont alors posés la question suivante : «Mais si la différence, amenée à son expression la plus simple, est des contraires, et que pour chaque diversité il y a pratiquement toujours un contraire, on pourrait l’exprimer par deux termes généraux.»

C’est ce qui a été fait pour la première fois dans le Yi Jing (Classique des changements ou Traité canonique des changements) qui parle du Yin et du Yang, deux opposés, mais deux opposés relatifs. Ainsi, ils ont classé dans le Yang le grand, le chaud, le jour, etc., dans le Yin le petit, le froid, la nuit, etc. Nous avons donc deux termes généraux qui désignent des différences relatives qui, dans leur expression la plus simple, sont au nombre de deux. On parle de différence relative, parce qu’ils sont en relation. En fait, ce qui est Yang peut être Yin, et ce qui est Yin peut être Yang. Par exemple, si je prends de l’eau tempérée qui sort du robinet et que je la compare à de l’eau bouillante, l’eau tempérée sera ... Yin, et l’eau bouillante sera ... Yang. Si maintenant je prends de l’eau qui sort du frigo et que je la compare avec l’eau tempérée du robinet, l’eau qui sort du frigo sera ... Yin, et l’eau tempérée sera ... Yang, car plus chaude que celle qui sort du frigo. On peut donc voir que, selon le cas, ce qui est Yin peut être Yang, et ce qui est Yang peut être Yin. Nous pouvons encore préciser que ce qui est Yin peut contenir du Yang, et inversement, ce qui est Yang peut contenir du Yin. Cette reconnaissance donna naissance au fameux cercle du Yin - Yang (moitié noir et moitié blanc) que vous avez certainement déjà vu et qui s’appelle Tai Ji.

Ainsi, dans la philosophie chinoise, le Yin et le Yang représentent une loi universelle qui régit l’ensemble des manifestations et des phénomènes de l’univers.

Si tout était froid, nous ne saurions pas ce que serait le chaud et inversement. Donc, sans l’un nous ne pourrions pas savoir ce qu’est l’autre. Les contraires sont toujours deux opposés (remarquez le chiffre deux qui ressort). Ils ont un caractère dual, c’est-à-dire qu’ils ont des propriétés qui se présentent par deux et qui sont réciproques. Les chinois ont vite compris que nous étions dans un monde de dualité. Ils se sont alors posés la question : « mais pourquoi il y a cette dualité ?» Ils sont arrivés à la conclusion que nous sommes ici pour apprendre et pour prendre conscience. La dualité est donc une manière de prendre conscience, par la différence. Il nous est ainsi possible d'expérimenter ce qui est bien, et ce qui l'est moins. Selon eux, nous nous incarnons pour nous enrichir en expériences et prendre conscience. Mais prendre conscience de quoi ? Pour la philosophie chinoise : que nous faisons partie d’une unité; pour moi, et d’une manière plus générale, de qui nous sommes et de comment nous fonctionnons.

Nous avons vu que la diversité permet de prendre conscience par la différence. C’est le mode de fonctionnement de notre monde, mais ce n’est pas le cas dans d’autres mondes. Les Chinois ont trouvé qu’il était possible de classer la différence, qui dans son aspect le plus simple est deux contraires relatifs, en Yin et Yang. Mais ce qui est frappant, c’est que dans notre culture, nous avons aussi une description très intéressante de l’importance de la différence pour la connaissance, qui va dans le sens de la philosophie chinoise, mais décrite avec d’autres termes, et relatée dans un livre très ancien. Il s’agit de la Bible. Ce texte se trouve dans la Genèse. Il y est écrit qu'Adam et Ève, dans le jardin d'Eden, ont mangé un fruit bien particulier qui aurait des conséquences sur leur vie, donc sur la vie de l'humanité. De quel fruit s'agissait-il ? Vous vous rappelez ?

Il s'agissait du fruit provenant de l’arbre de la connaissance. Vous voyez, le fruit de la connaissance. Mais de la connaissance de quoi ? C’est aussi décrit dans la Bible : de la connaissance du bien et du mal. Le bien et le mal sont deux termes qui désignent deux opposés, complémentaires dans la dualité, un peu comme le Yin et le Yang, sauf que le Yin et le Yang sont des termes plus généraux, comme nous l’avons vu précédemment. Il est vrai que le bien et le mal sont deux termes qui choquent un peu plus dans notre culture que les termes Yin - Yang. Mais ce sont deux contraires ! Ce qui est intéressant, c’est que le bien et le mal ne représentent pas seulement la différence, ou la diversité, mais aussi une grande loi universelle propre à tous. C’est la grande loi de cause à effet, qui nous apprend la responsabilité. Si vous faites l’analyse, vous verrez que le bien aura comme conséquence la prospérité, la croissance, la continuité, donc la perpétuité ou l’éternité (la vie), selon l’angle de vue, le mal par contre aura comme conséquence la pauvreté, la souffrance, la décadence, le déséquilibre, et, au bout du compte, la fin (la mort). Ainsi, grâce à cette dualité, la différence donc, nous pouvons expérimenter et comprendre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas, pour mieux comprendre quelles attitudes doivent être gardées pour la pérennité, qu’on peut appeler «le bien», et lesquelles doivent être rejetées, car elles amènent à la perte, la fin, qu’on peut appeler «le mal».

Vous voyez ! Nous avons donc deux cultures très différentes, mais dont les chemins sont tout à fait similaires ! Dans les deux cultures nous sommes sur le chemin de la connaissance à travers un monde de dualité. La dualité est donc une manière de prendre conscience à travers la différence.

Pour ceux qui connaissent un peu la technique, nous pouvons encore préciser que l’ordinateur que vous avez entre vos mains, ou le smartphone, fonctionnent avec des 0 (zéro) et des 1 (un). En effet, tous les programmes sont des codifications de 0 et 1, 0 voulant signifier «il n’y a pas de courant», 1 signifie «il y a du courant». Ainsi, il est possible de construire des mondes virtuels similaires au nôtre uniquement avec des 0 et des 1, et un peu d’électronique, qui ne sont rien d’autre que deux contraires. Donc, même dans l’électronique, qui peut créer des mondes virtuels, nous avons de la dualité !

Le libre arbitre

Nous venons de voir que nous sommes dans un monde de dualité qui nous permet de prendre conscience par l’expérience. Vous pourriez maintenant me poser la question : «Et le libre arbitre dans tout ça ?»

Le libre arbitre, qui nous a été donné, a aussi bien été décrit dans la Genèse. Il y est écrit que dans le jardin d’Eden se trouvait un arbre particulier, celui de la connaissance, dont Adam et Eve ne devaient pas manger les fruits. Mais pourquoi Dieu a-t-il mis cet arbre dans le jardin d’Eden ? Il aurait pu ne pas le mettre ? Et pourtant le récit est bien clair à ce sujet. Il l’a mis.

La mise en place de cet arbre symbolise tout simplement le libre arbitre qui a été donné à l’humanité.

Nous avons donc une grande liberté à prendre certaines décisions et à faire certaines choses. Mais le libre arbitre nous met aussi face à nos responsabilités, car ce que nous décidons ou faisons a des conséquences (loi de cause à effet). Nous sommes donc des êtres responsables de nos actes.

Cependant, il y a un « léger » effet secondaire du fait que nous possédions le libre arbitre. En effet, celui-ci nous met devant des choix. Ainsi, décider et faire des choix devient un passage obligé pour l'être humain ! Nous ne pouvons pas y échapper ! 

En fait, décider est plus important que la décision en elle même. L’important n’est pas le choix en lui-même, mais le fait de décider ! D’oser décider !

L’humain a peur de décider faux, donc il ne décide souvent pas. Mais si nous ne décidons pas, il y a de la souffrance qui peut apparaître et augmenter progressivement pour pousser à la décision. En effet, la souffrance est un système d’alarme, un langage universel qui nous avertit quand quelque chose ne va pas ou quand quelque chose n’est pas correctement perçu. Quand il y a une souffrance, c'est qu’il y a quelque chose à changer. Cela peut être en nous, ou autour de nous. Elle va nous pousser à réagir. Ensuite, le libre arbitre nous laissera le choix sur la manière dont nous allons agir pour nous libérer de la souffrance.

Souvent, c’est la société qui a tendance à dire ce qu’est le bon choix. Le marketing, la politique, les conventions sociales, nos parents, les voisins, et ainsi de suite, ont tendance à nous dire ce qu'est ce qu’on pourrait appeler « le bon choix ». Mais en réalité, il n’y a ni bon, ni mauvais choix ! Il n’y a que des choix qui mènent à telle ou telle situation, à telle ou telle conséquence (vous vous rappelez, la grande loi de cause à effet). Donc, choisissons avec le sourire, en essayant de ne pas nuire aux autres ni à notre environnement, tout en nous respectant, et réjouissons-nous des occasions qui nous sont données d’expérimenter un nouvel aspect de la vie.

Réjouissons-nous des occasions qui nous sont données

d’expérimenter un nouvel aspect de la vie.

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